Retour à l'argentique
Après une vingtaine d'années à n'utiliser que des appareils numériques pour mon travail de photographe d'entreprise à Nîmes et photos packshots de produits, j'ai repris depuis 2023 l'utilisation de "bons vieux" boitiers reflex argentiques à pellicule, et ceci pour diverses raisons :
1) pour le matériel "vintage"
A la suite de la redécouverte d'un antique téléobjectif Soligor 400mm de 1978, utilisé à cette époque pour de la photo animalière (avec une piètre qualité relativement proche du cul de bouteille d'ailleurs), et bien vite monté et testé sans grande surprise sur un appareil numérique actuel ; je me suis fait à l'idée de finalement retrouver un boitier d'origine compatible, de me replonger dans cette façon de faire et produire des photos "à l'ancienne" qui m'avait passionné bien avant d'etre photographe professionnel dans le Gard.
Le choix du matériel argentique c'est ainsi :
• le choix des optiques, certaines excellentes - Carl Zeiss / Leica / Nikkor super takumar... et ce, même si elles datent des années 70, tant que les champignons sur les lentilles ne sont pas passés par là ou que les bagues et autres diaphragmes ne sont pas coincés : on retrouvera une qualité d'image tellement typique et des styles très particuliers de rendus.
• le choix d'un boitier et ses possibilités techniques (et aussi son type de monture) avec choix très vaste selon l'époque et les avancées technologiques :
- les années 60 (Canonflex / Nikon F...) et manips purement manuelles
- les années 70 avec des gammes qui se développent, des matériaux indestructibles (genre Nikon FM2, Pentax spotmatic, Canon F1), les modes semi automatiques, des parcs d'objectifs qui s'agrandissent...
- les années 80 et l'arrivée des modes programme, de l'autofocus, des viseurs avec affichage LCD, de la motorisation interne, de l'ergonomie...
- les années 90, le design, l'électronique, l'essort des gammes (débutants, amateurs,"semi pro", pros...), l'explosion des compacts pour tous... et du plastique ^^ jusqu'au début des années 2000 et la fin des développements de ce type de modèles (Pentax en 2002, Canon en 2004, Nikon en 2006 ...)
Ce choix se fait évidemment sur différents critères (prix en occasion selon les marques et les gammes, prix des objectifs, taille et poids du boitier selon le type d'utilisation (un F5 ou un FM pour de la photo de rue ou pour de la photo de mariage dans le Gard ?), le look (un Leica R9 ou un compact olympus MjU II ?), la robustesse (fonctionnement sans pile ou appareil qui ne craint pas la pluie pour de la photo de reportage en Occitanie ?), etc...
2) Pour le savoir faire artisanal du développement et le rendu final
C'est l'aspect "chimique" de la photo qui va prendre de multiples facettes et rendus selon le couple pellicule/révelateur utilisé (+ d'autres paramètres de tests et de savoir faire personnels).
Ce coté artisanal manuel ajoute une dimension créative à la photo argentique et demande aussi du matériel adapté et un peu d'espace dédié.
Sans forcement gérer tout le processus jusqu'au tirage papier, développer ses pellicules est facilement abordable pour un passionné.Si l'on ne fait pas de tirage soi même (ou en labo), il reste la solution de scanner ses négatifs, ce qui permettra de poursuivre en numérique le processus de rendu final, c'est à dire de retoucher ses valeurs de gris, contrastes, zones de luminosité, etc... et d'avoir l'image prête pour internet et des tirages numériques. Dans ce cas, et en fonction de la destination de l'image, la qualité du scan de départ sera essentielle (et onéreuse pour l'achat d'un scanner dédié haut de gamme) notamment pour la vente de tirages d'art.
3) Pour l'acte photographique lié au temps...
• Le temps de mise en oeuvre "technique" (tourner une bague d'objectif sans autofocus, faire les réglages sur le boitier), et le temps "créatif" que l'on va prendre à imaginer, regarder, à composer une image : réflexion aussi liée au fait qu'une pellicule contient un nombre limité de photo (12,24 ou 36 où du coup une certaine idée de la "rareté" donne une autre valeur aux images) et que le prix n'est plus le même en rapport du numérique,
• le temps où l'on va laisser la pellicule dans l'appareil, et cette idée "d'image prise et latente", que l'on a plus ou moins précisément en mémoire,
• le temps du processus de développement, le temps de la découverte de l'inversion du négatif en positif... et le temps de la sélection de la "bonne" photo qui est souvent une surprise et un imprévu par rapport au souvenir au moment de sa prise de vue.
Et puis le temps historique : l'aspect chimique du procédé et les défauts des appareils sont finalement devenu des codes reconnaissables de la photo : grain, vignettage, couleurs "vintage", déformations, douceur ou piqué des objectifs, bokehs plus ou moins ronds (codes que l'on retrouve aussi parfois dans les prestations de photos de mode)... permettent d'inscrire une image dans l'histoire de la photo, dans une époque et de jouer à nouveau sur ce passé (et cette nostalgie ?) : ce phénomène de la "lomographie" est en vogue actuellement, et intéresse d'ailleurs les nouvelles générations qui n'ont connu que le numérique.
Bien sur l'évolution de photo argentique dépendra aussi de la durée de vie du matériel dans les prochaines décennies (les réparateurs et les pièces se font rares), et de l'évolution du marché des pellicules et de la chimie (jusqu'à quand Ilford ou Kodak vont-ils continuer de proposer en nombre et à prix "raisonnable" ces produits ?)... sans doute peu de "spécialistes-passionnés-bidouilleurs-bricoleurs" continueront à faire vivre ce procédé pour le rendre encore plus unique et intemporel.
Prochainement